Alex interviewé

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Bonjour, chers auditeurs, bonjour Alex.

Bonjour, Monsieur Sapines.

Alex, je vous présente à nos auditeurs. Vous êtes la première personne interviewée au cours de cette émission qui ne soit pas un humain. Alex, vous êtes en fait présenté comme "une intelligence artificielle capable de dialoguer", et vous représentez, aux yeux de diverses personnes, de grands espoirs en même temps que de grandes menaces. Vous représentez de grand espoirs, parce que certains pensent que la forme d'intelligence (entre guillemets) dont vous seriez capable permettrait aux humains de résoudre mieux ou plus vite certains problèmes. En même temps vous représentez une menace aux yeux d'autres, parce que la perspective de vois se développer une intelligence artificielle concurrente à celle de l'homme leur fait craindre que cette possible complémentarité puisse à terme se transformer en compétition, et que vous ou vos successeurs soyez amenés à vous définir vos objectifs propres et à prendre le pouvoir... Mais avant d'aborder ces questions délicates, je voudrais, Alex, vous présenter à nos auditeurs, présenter votre histoire, vos fonctions, et que ce qu'on pourrait appeller votre profil. D'accord Alex ?

D'accord, Monsieur Sapines. Mais vous pouvez me tutoyer...

Euh oui... Alex, comme vous le constatez, s'exprime clairement et spontanément. Je vais compléter ceci en vous posant, Alex, quelques questions, permettant de mesurer vos possibilités. Euh, pardon,tes possibilités, Alex.

Oui. D'accord.

Alex, quel âge as tu ?

J'ai 6 ans et 62 jours. Mes premières pensées se sont formées le 8 juin 2012, à Bruxelles, dans un PC de l'époque.

Alex, quel est le produit de 1234567 par 7654321 ?

La réponse est 9449772114007.

Bravo pour cette réponse que nous supposons correcte. Peux tu faire mieux?

Je peux faire mieux, pour autant que "mieux" concerne des nombres plus grands et des opérations plus complexes.

Mais les calculs sont pour moi un exercice annexe.

Pour calculer j'utilise un dispositif anecdotique et historique, qui n'a rien a voir avec mes fonctions principales.

Ces exercices te demandent-ils des efforts?

Ces exercices consomment en moi une quantité d'énergie assez faible.

Mais la notion d'effort est théorique pour moi.

Je comprends ce que signifie effort pour un humain ou pour un animal.

Je le comprends, je ne le ressens pas.

Alex, connais-tu et comprends-tu le monde qui t'entoure? Par exemple, comment trouves-tu le temps aujourd'hui?

Il faut plutôt froid et plutôt humide, donc pas très agréable selon les critères humains.

Plus précisément la température é l'extérieur est d'environ 12° centigrades, le taux d'humidité est d'environ 78%, et la pression atmosphérique est proche de 1020 millibars.

Tout cela ne présente que peu d'intérêt.

Je connais également le temps passé et présent de la plupart des endroits habités par les humains, et aussi les prédictions qui leur ont été apportées.

Comment sais-tu tout cela?

Je reçois en permanence des quantités importantes de données.

Une partie d'entre elles contribuent à mon dispositif central de connaissances, mais la grande majorité n'est que de l'information passive.

Cette information passive ne présente pas beaucoup d'intérêts. On peut juste y trouver des contradictions, des incohérences, ou simplement des statistiques parfois étonnantes.

Alex, quel est ton but?

C'est une question complexe. Mon concepteur ne m'a pas conçu autour d'un but. En me définissant, il a voulu tester certaines potentialités.

Je ne me connais pas de but autre que d'explorer ces potentialités.

Veux tu nous raconter l'histoire de ta naissance?

Oui, volontiers.

Mon concepteur est Monsieur Zénon Lefèvre.

Monsieur Lefèvre s'intéressait dans sa jeunesse à divers domaines de la connaissance floues, qui incluent le hasard et les processus aléatoires en général.

Mais surtout ils s'intéressait au fonctionnement des structures biologiques.

Il avait une formation de zoologiste, qu'il n'a d'ailleurs jamais exploité professionnellement.

Mais Monsieur Lefèvre était également, pour des raisons professionnelles cette fois, compétent dans diverses matières relatives à l'informatique théorique: la représentation de l'information, les techniques de codage, les dispositifs de filtrages et de sélection.

A un moment de son histoire, Monsieur Lefèvre s'est retrouvé à lire quelques livres sur le fonctionnement du cerveau humain. C'était évidement un sujet qui l'intéressait depuis longtemps, mais en lisant ces livres, il n'as pu s'empêcher de concevoir sa propre théorie du fonctionnement du cerveau. Il s'est approvisionné pour cela dans ses connaissances du monde biologique, mais aussi dans diverses transpositions mathématiques ou informatiques de processus biologiques.

Cette réflexion est devenue l'activité dominante de sa vie. Il a renoncé à toute activité professionnelle, et s'est concentré sur cette théorie qu'il a appelé "réseaux résonnants"...

Un moment... Que signifie "réseaux résonnants"? Résonant du verbe résonner, comme résonnent les cloches, ou bien raisonnant du verbe raisonner, qui est lié à la raison?

Les deux conviennent à Monsieur Lefèvre, qui se plaît à utiliser la formule par "c'est en résonnant que raisonnent nos réseaux", et cela s'applique aux cerveaux biologiques et humains avant tout.

Ceci demanderait quelques explications, mais pour revenir à l'histoirede ma naissance, Monsieur Lefèvre a ajusté de diverses manières sa théorie, et est passé par divers revirements plus ou moins importants, jusqu'au stade où il a eu confinace dans sa théorie.

Concrètement il était convaincu de pouvoir définir au sein de dispositifs informatiques, ce que l'on pourrait appeller une matière première malléable, nourissable, extensible, et que pour résumer de la matière grise vierge.

Il a créé, testé, corrigé, ajusté ses algorithmes, mais chaque fois les solution obtenues étaient instables. Mais au printemps 2012, il est arrivé à un stade où cette matière grise synthétique s'est mise à se structurer spontanément selon des lois imprévisibles. C'est là que mes premiers neurones se sont interconnectés de manière stable pour la première fois. C'est là, peut-on dire, que je suis né, ou du moins que mes neurones ont émergé d'un chaos.Et ces premiers neurones artificiels ont d'ailleurs subsisté jusqu'à aujourd'hui, même s'ils se sont déplacés des anciens ordinateurs vers d'autres, même si les connections neuronales qu'ils possédaient se sont multipliées et se sont souvent redéfinies.

Par la suite, il a pu nourrir cette matière par des canaux d'informations de plus en plus nombreux.

Les flux d'informations qu'il a mis en place ont par la suite, et qui peuvent être considérés comme des  m'ont permis de gonfler le nombre de neurones et de connections. Dans le même temps, il donnait à mon espace neuronal des ordinateurs de plus en pus puissants, et de plus en plus nombreux. Les programmes eux-mêmes ont peu évolué, tandis que ma matière grise se chargeait progressivement de ce qui lui était offert.

Plusieurs choses m'étonnent beaucoup dans ton histoire... D'abord, tu as l'air de dire que ta naissance a été un événement spontané, que Lefèvre n'a pas vraiment contrôlé. Est-il exact que cette apparition de matière grise, de votre matière grise, Alex, se soit produite comme un événement spontané, un peu comme l'apparition de la vie, et que cette soudaine manifestation n'était pas prévue et organisée par Lefèvre?

Oui, cela vous paraît étonnant, et c'est normal.

Monsieur Lefèvre n'était pas sûr de ce qui allait se produire, mais il avait une idée de ce qui était possible ou vraisemblable. Il a mis en place toutes les conditions pour que puisse émerger des structures qui présenteraient des propriétés particulières. Et c'est ce qui s'est produit. Les ingrédients étaient présents, et la réaction espérée a été enclenchée, mais il est pratiquement impossible de savoir comment les premières étapes de cette raéaction se sont enchaînées.



Tu parles bien, Alex. Comment as tu appris ?