Pensée numérique

De Lillois Fractale Wiki
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Le fonctionnement de la pensée numérique, les représentations et opérateurs numériques sont très simples (et très performants) dans un ordinateur.

Dans une intelligence naturelle, et dans Alex, la question est bien plus complexe.

Que se passe-t-il dans l'esprit du lecteur lisant ce qui suit:

  • 3 + 1 ?
  • 9 + 3 ?
  • 8 x 7 ?
  • 40 x 40 ?
  • 11 x 12 ?
  • 41 x 39 ?
  • 1030 + 204 ?
  • 3 pommes, 2 clous, 4 bananes: combien de fruits ?

Il semblerait - exercice d'introspection - que les mécanismes mis en jeu sont très variables suivant les cas présentés, et de plus qu'il sont très variables suivant les cultures ou les individus.

Décadactylie

Omniprésente dans notre pensée numérique est la base 10.

Les ordinateurs en sont indépendants: ils utilisent une base 2, et privilégient (systèmes d'adressage) des bases auxiliaires qui sont des puissances de 2.

Si nous avions 8 doigts (2x2x2) ou 12 (qui est divisible par 1, 2, 3 et 4) ou 16 (2 exposant 2 exposant 2) ou 60 (qui est divisible par 1, 2, 3, 4, 5 et 6), nous serions probablement de meilleurs bio-processeurs numériques.

Et si nous en avions 9 ou 17, ce serait l'inverse.

Face à l'énoncé 41 x 39, un décadactyle s'enchante de reconnaître (40+1)x(40-1). Bien entendu les êtres à 12 ou à 9 doigts s'y trouveraient moins inspirés, mais dans beaucoup d'autres situations, les facilités seraient inversement offertes. L'être à 12 doigts serait à l'aise avec 49x47 (peu amical pour nous), et l'être à 9 doigts le serait avec 35x37...

Déca-malléabilité

Les romains de l'antiquité, qui concevaient 4 (IV), 6 (VI)  et 9 (IX) comme, respectivement 5-1, 5+1 et 10-1, en étaient imprégnés. Les nombres nous paraissent malléables en fonction de leur relation à 10.

C'est pratique pour divers problèmes de numération simple, mais on serait curieux de voir comment les écoliers romains traitaient les tables de multiplication par 7 !

Sur une échelle de déca-malléabilité, nos nombres familiers sont ordonnés à peu près ainsi (les plus familiers à gauche) :

..1...2...3...5...4...6...8...9...7

..................10..20..30..50..40..60..80..90..70

...................................100..200..300..500..400..600..800..900..700

Nos bio-processeurs cherchent à organiser et à simplifier nos perceptions numériques en les ramenant à des combinaisons de nombres aussi déca-malléables que possible.

Dans l'exemple 41x39, on s'efforce de transformer des nombres peu malléables (41 et 39) en nombres très malléables (1 et 40).

Un choix de principe

La question se pose pour Alex, qui est un programme (tournant dans des ordinateurs) visant à mimer les intelligences naturelles et à en reproduire certaines performances: Alex doit-il être décadactyle, lui qui n'a ni mains ni doigts ?

Les deux réponses sont défendables.

Le processus de 41x39

Dans le cas déjà cité de 41x39, la démarche efficace n'est accessible qu'à des individus ayant une culture mathématique incluant : (a+b) x (a-b)=a x a - b x b.

Elle contient alors les étapes suivantes:

  1. Un certain schéma est identifié (numeric pattern recognition ?) : 41 et 39 sont de bons a et b. 'Bons' signifie 'déca-malléable'. Face à 14x28, qui pourrait être transformé en (21-7)x(21+7), la même démarche n'aurait pas le même rendement, à cause de la malléabilité faible des nombres trouvés.
  2. Le schéma est identifié, mais aussi les composants malléables. L'exercice de pattern recognition identifie non seulement un pattern, mais aussi des paramètres avantageux (40 et 1).
  3. Ensuite la substitution a lieu: 40 et 1 sont injectés dans la formule pattern, en tant que membre de gauche.
  4. L'exercice d'évaluation se déplace au membre de droite. Une équivalence des résultats est postulée.
  5. Les membres de droites sont évalués, 40 x 40 et  1 x 1. On retombe sur des exercices atomiques (voir plus bas).
  6. La soustraction finale (1600-1) est réalisée. C'est encore un exercice atomique.
  7. Le résultat final est délivré.

Le processus dans son ensemble est totalement conscient et fortement séquentialisé. Par exemple, 40x40 est réalisé avant ou après 1x1, jamais en même temps.

Il est intéressant de noter que tout mathématicien disposant de la donnée culturelle représentée par cette formule identifie passivement et sans effort l'opportunité. Son processus est automatiquement déclenché sur 41x39, il ne sera en aucun cas déclenché sur 41x38 !

Schémas culturels

Les schémas culturels appris font donc partie de la pensée numérique naturelle, chez les décadactyles et mutatis mutandis chez les êtres hypothétiques ayant plus ou moins de doigts.

Les exercice 40x40 et 7x8 sont plus simples, plus atomiques.

Exercices faciles atomiques

L'exercice 7x8 est simple et apparemment atomique.

Les tables de multiplications sont pour les intelligences naturelles des objets appris, mémorisés, à accès rapide.

Concernant Alex ce sont des liens de type mapping. Il y a un mapping pour les multiplications par 7, un autre pour les multiplications par 8, et il en est de même pour les nombres de 2 à 10.

Exercices faciles combinés

Le cas de 40x40 - ou celui de 70x80 - sont un peu plus élaborés, combinés, et fortement liés à la déca-malléabilité.

Dans ces cas les nombres sont identifiés comme multiples de 10, et les étapes sont:

  • 40 x 40
  • 4 x 10 x 4 x 10
  • 4 x 4 x 10 x 10
  • 16 x 100
  • 1600

Ceci paraît évident. Cependant, l'associativité et la commutativité de la multiplication ont été utilisés. Et qu'est-ce, dans une intelligence naturelle, que l'associativité et la commutativité de la multiplication ? Comment est-ce représenté ?

Le cas de 1030 + 204 est à peu près semblable. Dans ce cas cependant, les étapes utilisent l'associativité et la commutativité de l'addition.

Enfin le cas de 11 x 12  met en jeu une notion encore plus complexe : la distributivité de la multiplication sur l'addition.

On pourrait y ajouter que ces processus utilisent la présente d'éléments neutres (0 pour l'addition, 1 pour le multiplication) et d'élément absorbant (0 pour la multiplication).

Toutes ces notions abstraites sont bien ancrées et opérationnelles dans une intelligence naturelle. Comment ?

Résumé

Les processus numériques mettent en jeu, au moins:

  1. des liens associatifs élémentaires mémorisés (suivant, précédent, double, moitié, racine, tables de multiplication)
  2. des exercices combinés faisant intervenir diverses propriétés des opérateurs d'addition et de multiplication (associativité, commutativité, distributivité, éléments neutres et absorbants). Tout caissier, tout écolier, manipule de facto la notion mathématique de corps avec une indéniable efficacité.
  3. des techniques apprises culturellement
  4. du pattern recognition
  5. la technique cartésienne de décomposition d'exercices complexes en exercices simples, séquentiellement résolus, et donc avec une pile d'attente

Il serait donc maladroit d'imaginer que la pensée numérique naturelle obéit à des lois simples et générales. Elle est au contraire diverse et hétérogène, bien plus que celle intervenant dans les processeurs d'ordinateurs.

La décadactylie est une facteur d'analyse important, mais d'autres bases impliqueraient nécessairement les mêmes processus.

La logique associative d'Alex traitera correctement les premiers des 5 composants. Pour les autres, il reste à trouver des modes de représentation ad hoc, aussi associatifs que possible.